Résistance et réconciliation : Pensionnat Sainte-Anne

Aperçu
Pensionnat Sainte-Anne : 1902 - 1976
Qu’est-ce que vivaient les enfants au quotidien?
Punitions et abus
Héritage
Aperçu

Dans la présente unité, qui porte sur le système des pensionnats indiens et le pensionnat Sainte-Anne, les élèves affi nent leur capacité de raisonnement critique et historique. La Leçon 1 engage les élèves dans une stratégie d’apprentissage qui fait appel à des stations et vise à approfondir leur compréhension de chaque capacité de raisonnement historique, y compris l’examen des preuves, l’importance historique, les perspectives historiques, les causes et conséquences, la continuité et le changement, et la dimension éthique. Au fur et à mesure que l’unité progresse, les élèves mettent en pratique ces façons de penser et d’analyser. Dans la Leçon 2 de l’unité, les élèves se familiarisent avec diverses lois et politiques gouvernementales afin de bien comprendre l’importance historique des pensionnats indiens. Dans la Leçon 4, ils établissent une chronologie détaillée des causes et conséquences de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR), en examinant comment des facteurs comme la Commission royale sur les peuples autochtones, les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées et les enfants pris en charge influent sur la CVR et sont influencées par elle. Enfin, cette unité aborde en détail les perspectives historiques et la dimension éthique, ce qui amène les élèves à se pencher sur leur propre rôle dans les eff orts de réconciliation déployés à l’échelle du pays.

Pensionnat Sainte-Anne : 1902 - 1976

Le Pensionnat Sainte-Anne a été dirigé par des prêtres et des religieuses de l’Église catholique francophone (l’Ordre catholique des Oblats et les Grey Sisters of the Cross) de 1902 à 1976 (Barrera, 29 mars 2018). Le gouvernement fédéral a commencé à financer le pensionnat en 1906, conformément au Traité no 9 qui couvre cette région. Élaboré et signé en 1905, le Traité no 9 stipulait que « Sa Majesté accepte de payer les salaires des enseignants pour instruire les enfants de ces Indiens et de fournir les bâtiments scolaires et le matériel pédagogique » (The Shingwauk Project, 2009, p. 6).

 

Le pensionnat était situé à Fort Albany (aujourd’hui la Première Nation de Fort Albany), sur la rive ouest de la baie James, dans le nord-est de l’Ontario. Il desservait les collectivités de Fort Albany, Winisk, Openagow, Attawapiskat et Fort Hope. Les populations autochtones de ces régions sont principalement des Mushkegowuk (Cris des marais), ce à quoi s’ajoutent des populations plus petites d’Ojibwe, qui parlent respectivement le cri des marais et l’ojibwe.

 

Le Pensionnat Sainte-Anne était isolé, car Fort Albany se trouve à l’embouchure nord de la rivière Albany. « Le poste de Fort Albany n’avait pas de téléphone, et peu de gens de l’extérieur visitaient le pensionnat. Les routes de l’Ontario se terminaient dans la ville de Cochrane. De là, il y avait un trajet en train de 150 milles jusqu’au port de Moosonee. De Moosonee, les seuls moyens de transport vers le Nord étaient la barge en été, le long de la baie James, ou le traîneau à chiens en hiver » (Angus, 2015). Aujourd’hui, la collectivité est toujours accessible par avion l’été, mais on peut y accéder par une route de glace l’hiver.

 

Le Pensionnat Sainte-Anne était isolé, car Fort Albany se trouve à l’embouchure nord de la rivière Albany. « Le poste de Fort Albany n’avait pas de téléphone, et peu de gens de l’extérieur visitaient le pensionnat. Les routes de l’Ontario se terminaient dans la ville de Cochrane. De là, il y avait un trajet en train de 150 milles jusqu’au port de Moosonee. De Moosonee, les seuls moyens de transport vers le Nord étaient la barge en été, le long de la baie James, ou le traîneau à chiens en hiver » (Angus, 2015). Aujourd’hui, la collectivité est toujours accessible par avion l’été, mais on peut y accéder par une route de glace l’hiver. Les mauvais traitements infligés aux élèves du Pensionnat Sainte-Anne ont été parmi les pires de l’histoire des pensionnats indiens au Canada, et ils sont aussi parmi les mieux documentés (Metatawabin et Shimo, 2014). La documentation des abus a commencé lorsque des lettres et des plaintes ont été envoyées à Jean Chrétien, au ministère des Aff aires indiennes, en 1968. La première lettre est venue d’un enseignant démissionnaire, soulignant les mauvais traitements infligés aux élèves et au personnel par l’administration catholique. Des rapports ultérieurs soumis au Ministère au début des années 1970 ont révélé que des élèves étaient frappés à coups de pied et battus (Barrera, 2016).

 

D’autres cas d’abus ont été documentés lorsque la communauté de Fort Albany a tenu une conférence de guérison en 1992, afin de discuter des abus subis au pensionnat et d’aborder le traumatisme intergénérationnel qui a découlé de ces abus (Platiel, 19 août 1992). Cette rencontre, à laquelle ont assisté plus de 300 personnes, a permis d’entendre les témoignages de plus de 30 anciens élèves et a donné lieu à une enquête de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) sur les actes répréhensibles passés. L’enquête a duré plus de cinq ans, la PPO interrogeant plus de 900 personnes de partout au Canada et documentant l’éventail des abus subis par les enfants du pensionnat. En 1997, sept accusations d’agression sexuelle et de voies de fait ont été portées contre d’anciens employés du Pensionnat Sainte-Anne (Appleby, 1997). Lorsque la Commission de vérité et de réconciliation (CVR) a été mise sur pied en 2008, le gouvernement fédéral avait à l’origine refusé l’accès aux documents d’enquête de la PPO. Cependant, de nombreuses survivantes de la communauté ont intenté des poursuites judiciaires pour demander que les documents soient inclus dans les audiences de la CVR. Dirigé par Edwin Metatawabin, un survivant, ce processus a duré des années et a été truff é d’attitudes coloniales devant les tribunaux (Scholey, 2018), mais certains documents ont finalement été publiés (Galloway, 14 décembre 2017). Bien que les recommandations finales de la CVR aient été publiées, l’Église catholique refuse toujours de s’excuser pour le rôle qu’elle a joué dans les mauvais traitements infligés aux élèves du Pensionnat Sainte-Anne (Galloway, 29 mars 2018).

Qu’est-ce que vivaient les enfants au quotidien?

Les élèves du Pensionnat Sainte-Anne suivaient un régime d’enseignement à la demi-journée, semblable à celui des autres pensionnats indiens. La présence était obligatoire. Le matin, les enfants suivaient les cours, et l’après-midi ils étaient divisés par sexe pour eff ectuer le travail manuel pour le pensionnat. Les garçons s’occupaient souvent des tâches liées au bétail et à la ferme, et les filles s’occupaient des tâches domestiques, comme la lessive et le nettoyage (The Shingwauk Project, 2009, p. 113). Un survivant se souvient qu’ils étaient forcés de faire des travaux ménagers toute la journée (Korkmaz, 2018).

 

Les élèves du pensionnat parlaient couramment le cri des marais, mais ils n’étaient pas autorisés à parler leur langue, que ce soit en classe ou entre eux. « Ils m’ont dit de ne pas parler ma langue et tout, donc je faisais semblant de dormir à mon pupitre pour éviter qu’ils me posent des questions » (CVR, 2015, p. 85). De plus, les élèves étaient souvent punis pour avoir essayé de conserver leur langue. « Peter Nakogee se rappelle avoir été puni pour avoir écrit en syllabes cries dans son cahier de notes au pensionnat de Fort Albany, en Ontario » (CVR, 2015, p. 85).

 

La nourriture au Pensionnat Sainte-Anne était également insuffi sante. Ellen Okimaw, du pensionnat de Fort Albany, en Ontario, garde de vifs souvenirs des mets de poisson mal cuisinés servis dans les pensionnats. Le cuisinier du pensionnat se contentait de «mettre le poisson dans l’eau et de le faire bouillir comme ça, tout simplement, sans le vider avant». (CVR, 2015, p. 91). Les élèves qui rejetaient la nourriture ou qui tombaient malades en la mangeant étaient également punis. « Bernard Sutherland se souvient que les élèves au pensionnat de Fort Albany étaient forcés de manger la nourriture qu’ils avaient vomie. J’ai vu de mes yeux les enfants manger leur vomi. Lorsqu’ils étaient malades. Ils vomissaient pendant qu’ils mangeaient» (CVR, 2015, p. 91).

 

En raison de la surpopulation des dortoirs, les enfants tombaient souvent malades, touchés en particulier par des infestations de poux et la tuberculose (Korkmaz, 2018). Les mauvaises conditions de vie et les mauvais traitements au pensionnat ont également incité des enfants à tenter de s’enfuir ou de retourner dans leur communauté d’origine. Au cours d’une telle tentative, trois garçons ont disparu du pensionnat. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés, et les décès n’ont jamais fait l’objet d’une enquête (Angus, 2015). De plus, entre 1932 et 1945, 19 enfants sont morts de causes inconnues ou de maladie (The Shingwauk Project, 2009, p. 117-118). Un élève se souvient de deux élèves qui ont probablement tenté de s’enfuir, sont morts de froid pendant leur tentative et ont été ramenés au pensionnat sur des toboggans (Barrera, 23 septembre 2018).

Punitions et abus

Le Pensionnat Sainte-Anne est reconnu pour l’étendue et la gravité des abus subis par les élèves (Metatawabin et Shimo, 2014). «Des religieuses, des prêtres et des frères laïcs frappaient les élèves avec de grandes sangles, de petits fouets, du fil pour piège à castor, des planches, des livres, des règles, des bâtons, le poing ou la main ouverte, ont dit les survivants aux enquêteurs. Parfois, les élèves étaient enfermés dans le sous-sol sombre pendant des heures. Ils ont également raconté aux enquêteurs qu’ils étaient nourris de bouillie, de poisson avarié, d’huile de foie de morue et de viande de cheval rance qui rendaient les élèves malades au point de les faire vomir dans leur assiette. Ils ont dit qu’ils étaient souvent forcés de manger leur vomi. Il y a eu de nombreuses allégations d’abus sexuels impliquant des religieuses, des prêtres, des frères laïcs et d’autres membres du personnel, allant des caresses et des baisers forcés aux agressions violentes et aux attouchements nocturnes»(Barrera, 29 mars 2018).

 

Parmi les pires formes d’abus, il y avait aussi une chaise électrique au sous-sol de l’école. « Selon les transcriptions et les rapports de la PPO, la chaise électrique... a été utilisée entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1960. Certains ont dit que c’était du métal tandis que d’autres ont dit qu’elle était faite de bois vert foncé, comme un fauteuil roulant sans roues. Ils ont tous dit qu’elle avait des sangles sur les accoudoirs et des fils attachés à une batterie » (Barrera, 29 mars 2018).

 

En raison des abus perpétrés par les prêtres, les religieuses et les employés du pensionnat, les élèves ont également commencé à se comporter de manière abusive les uns envers les autres. Comme le rappelle Edmund Metatawabin : « Dans les pensionnats, le secret commençait à l’aube : nous étions battus dès l’éveil. S’élever contre l’injustice dans les lettres adressées à la famille était également un motif de punition. Nous nous sommes adaptés de toutes les manières possibles, souvent en imitant nos oppresseurs. Au Pensionnat Sainte-Anne, les garçons les plus forts battaient les plus faibles avec leurs poings ou des branches de mélèze laricin. L’abus sexuel était également endémique, le personnel s’imposant aux filles et aux garçons, et les élèves s’imposant les uns aux autres » (Angus, 2015).

Héritage

L’héritage du Pensionnat Sainte-Anne en est un d’abus notoires, mais aussi de résistance communautaire. Les conséquences des sévices infligés aux élèves ont eu des eff ets à long terme. « Le Pensionnat Sainte-Anne se fait encore sentir de Moosonee à la Première Nation de Fort Albany, et jusqu’à Attawapiskat et Peawanuck. Confrontés aux morts et disparitions ainsi qu’à la peur et la violence constantes, les survivants interrogés par la PPO ont parlé de tentatives de suicide, de lutte contre la toxicomanie et de vies brisées » (Barrera, 29 mars 2018). Le rapport de la conférence de guérison de 1992 qui s’est tenue dans la communauté indiquait que « les eff ets de la violence leur ont fait perdre l’esprit; ils étaient incapables d’aimer... leurs mariages se brisaient, ils abusaient physiquement de leurs propres enfants, ils avaient une faible estime de soi, ils se détestaient, ils pensaient être sales, ils cherchaient refuge dans l’alcool ou la drogue, ils tentaient de s’enlever la vie quand certains de leurs anciens compagnons de classe se suicidaient » (Platiel, 8 septembre 1992).

 

Malgré tous les abus subis, la communauté s’est également engagée à guérir et à faire face aux effets des traumatismes intergénérationnels. La conférence de guérison a été la première étape d’un processus de guérison qui a duré des générations. Ce processus a permis à des membres de la collectivité et à d’anciens élèves de parler publiquement de la violence qu’ils ont subie, ce qui a mené à la condamnation d’anciens membres du personnel de l’hôpital Sainte-Anne. Edmund Metatawabin, ancien chef et président de Peetabek Keway Keywaywin (Association des survivants du Pensionnat Sainte-Anne), a déclaré que les accusations reconnaissent les plaintes des anciens élèves. « Nous obtenons enfin une certaine reconnaissance pour les choses que nous avons fait remonter à la surface. » (Moon, 1997).


Voir l’unité de 10e année (PDF)
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