L’héritage du système des pensionnats au Canada
Dans cette unité, par le biais de discussions de groupe, de réflexions personnelles et d’activités stimulantes, les élèves réfléchissent aux six concepts de la pensée historique. Par exemple, à la Leçon 3, les élèves sont mis en contact avec plusieurs concepts de la pensée historique au moyen d’une activité de stations. En explorant diverses sources, y compris des sources primaires de données probantes, les élèves discutent, au moyen de questions, de l’importance historique, de la perspective historique, des causes et des conséquences, ainsi que des dimensions éthiques du traitement des Autochtones au pensionnat Cecilia Jeffrey. Au cours de la Leçon 5, les élèves apprennent au sujet de la résistance passée et présente, de la part des groupes autochtones, aux lois imposées par le gouvernement, ce qui les fait réfléchir aux notions de continuité et de changement. Ils s’intéressent également à la portée historique en réfléchissant à l’importance de la préservation des cultures autochtones du Canada et en faisant des recherches sur les efforts de revitalisation de la culture autochtone.
Le pensionnat indien Cecilia Jeffrey a ouvert ses portes en 1902 et a fermé en 1976 (CVR, 2015, Honorer la vérité). Situé à l’origine dans la réserve de Shoal Lake (Manitoba), il a déménagé à Kenora (Ontario) en 1929 pour accueillir davantage d’élèves (Pomeroy, 2010). Il est surtout connu comme celui d’où Chanie Wenjack, un garçon de 12 ans d’Ogoki Post, dans la réserve de Marten Falls, s’est échappé en 1966 (Adams, 1967).
La population étudiante du pensionnat Cecilia Jeffrey était composée de jeunes résidents des environs du lac Shoal (de la Nation Anishinaabe du Traité no 3). Le système des pensionnats avait pour but d’assimiler les générations futures de jeunes Autochtones en fonction du postulat selon lequel la « civilisation européenne et les religions chrétiennes étaient supérieures à la culture autochtone » (CVR, 2015, Ce que nous avons retenu, p. 7). Les enfants qui fréquentaient le pensionnat Cecilia Jeffrey vivaient au pensionnat, loin de leur famille et de leur culture. Ils y recevaient l’enseignement et travaillaient à l’entretien du bâtiment scolaire. De nombreux enfants y ont été victimes d’abus physiques, émotionnels et sexuels, d’une alimentation inadéquate, d’expériences médicales et de maladies.
Le pensionnat était géré par l’Église presbytérienne. C’est l’Église qui était responsable du fonctionnement de l’institution, tandis que le gouvernement fournissait le financement et établissait les politiques en vertu desquelles elle devait fonctionner (The Presbyterian Church in Canada Archives, 2011, p. 6). Le financement reçu par le pensionnat prenait la forme de subventions fondées sur un montant par élève, ce qui signifie qu’une certaine somme d’argent était versée pour chaque élève du pensionnat. Ce financement était destiné à couvrir des choses comme la nourriture, les vêtements, les fournitures scolaires et les matérieux de construction, les salaires des enseignants et les besoins généraux d’entretien des bâtiments (The Presbyterian Church in Canada Archives, 2011, p. 6). En 1957, le gouvernement a assumé un rôle plus important dans le financement du pensionnat et a abandonné l’approche de financement par élève au profit d’une formule de financement en fonction des dépenses réelles (The Presbyterian Church in Canada Archives, 2011, p. 7).
En 1969, l’exploitation du pensionnat indien Cecilia Jeff rey a été transférée au gouvernement fédéral du Canada, qui en a gardé le contrôle jusqu’à sa fermeture (The Presbyterian Church in Canada Archives, 2011, p. 9).
Dans cette étude de cas, c’est l’Église presbytérienne qui dirigeait Cecilia Jeff rey, mais partout ailleurs au Canada, « les Églises catholiques romaines, anglicanes, unies, méthodistes et presbytériennes étaient les principaux groupes confessionnels ayant participé à l’administration du régime des pensionnats indiens » (CVR, 2015, Ce que nous avons retenu, p. 6). Ces établissements, ainsi que le gouvernement fédéral du Canada, étaient responsables d’environ « 150 000 » jeunes Autochtones qui fréquentaient les pensionnats (CVR, 2015, Ce que nous avons retenu, p. 6). Le rapport de la CVR souligne que « le partenariat du gouvernement avec les Églises est resté en place jusqu’en 1969 et, même si la plupart des écoles étaient fermées dans les années 1980, le dernier pensionnat indien appuyé par le gouvernement fédéral est resté ouvert jusque vers la fin des années 1990 ».
Jusque vers les années 1940, les élèves qui fréquentaient le pensionnat indien Cecilia Jeffrey suivaient un régime d’enseignement à la demi-journée, suivant lequel ils apprenaient en classe pendant une moitié de la journée, et se consacraient à la formation aux métiers pendant l’autre moitié. Pour les garçons, cela signfiait travailler à la ferme et sur les terrains du pensionnat, et pour les filles, cela signifiait habituellement apprendre à coudre et à cuisiner (The Presbyterian Church in Canada Archives, 2011, p. 7). Après les années 1940, les élèves ont eu une journée complète d’apprentissage en classe. Les élèves qui avaient terminé leur 8e année étaient admissibles à un examen d’entrée pour fréquenter une école secondaire à Kenora. Le pourcentage d’élèves du pensionnat Cecilia Jeffrey entrant à l’école secondaire était extrêmement faible. En 1949, quelque 300 élèves ont fréquenté Cecilia Jeffrey, dont seulement 17 au secondaire (The Presbyterian Church in Canada Archives, 2011, p. 8).
L’éducation chrétienne était un élément important des leçons quotidiennes. Assister à des services religieux et participer à des lectures et exercices bibliques faisaient partie de leur routine quotidienne (The Presbyterian Church in Canada Archives, 2011, p.8). « Pour les enfants, la vie dans ces pensionnats était solitaire et étrange. Les bâtiments étaient mal situés, mal construits et mal entretenus. Le personnel était peu nombreux, souvent mal formé et insuffisamment supervisé. De nombreux pensionnats étaient mal chauff és et mal ventilés, et la nourriture était insuffisante et de piètre qualité. La discipline était sévère et la vie quotidienne était très réglementée. Les langues et les cultures autochtones étaient rabaissées et bannies. Les buts pédagogiques des écoles étaient limités et n’étaient pas clairs, et ils reflétaient habituellement une piètre estime pour les capacités intellectuelles des Autochtones. Pour les élèves, l’éducation et la formation technique se traduisaient trop souvent par des corvées nécessaires pour que les pensionnats soient autosuffisants. La négligence à l’égard des enfants était institutionnalisée, et le manque de supervision entraînait des situations où les enfants étaient victimes d’agressions sexuelles et physiques. » (CVR, 2015, Ce que nous avons retenu, p. 7). L’Église presbytérienne a reconnu sa complicité dans ces actes horribles.
Le système des pensionnats a des eff ets profonds et dévastateurs sur les peuples autochtones d’aujourd’hui. Cela se reflète dans « les grands écarts en matière d’éducation, de revenu et de santé entre les Canadiens autochtones et non autochtones, écarts qui condamnent un grand nombre d’Autochtones à des vies plus courtes, plus pauvres et plus troublées ». (CVR, 2015, Ce que nous avons retenu, p. 103). « Les séquelles se reflètent également dans le racisme intense dont font preuve certaines personnes et dans les formes de discrimination systémique et autres que les Autochtones doivent subir sur une base régulière au pays. Plus d’un siècle de génocide culturel a laissé la plupart des langues autochtones au bord de la disparition. La prise en charge disproportionnée des enfants autochtones par les organismes de protection de l’enfance et l’incarcération et la victimisation disproportionnées des Autochtones font tous partie des séquelles associées à la façon dont les enfants autochtones ont été traités dans les pensionnats indiens. » (CVR, 2015, Ce que nous avons retenu, p. 103).
Durant les audiences de la CVR, on a également signalé ce qui suit :
De nombreux élèves ont des séquelles permanentes des pensionnats indiens. Arrachés à leurs parents, ils ont grandi sans respect et sans affection. Un système scolaire qui ridiculisait et bannissait la culture et les traditions de leur famille a détruit leur estime de soi et leur attachement à leur propre famille. Des enseignants mal formés travaillant avec un programme sans pertinence ont fait en sorte qu’ils se sentent étiquetés comme des « ratés ». Les enfants qui ont été victimes d’intimidation et de violence physique ou sexuelle portent le fardeau de la honte et de la colère pour le reste de leurs jours. Dépassés par cet héritage, nombre d’entre eux ont succombé au désespoir et à la dépression. De nombreuses vies ont été perdues dans l’abus d’alcool et de drogues Des familles ont été détruites, et des générations d’enfants ont été perdues dans le système de protection de l’enfance. Les survivants ne sont pas les seules personnes dont la vie a été perturbée et marquée par les pensionnats. Les séquelles … ont également rejoint de façon profonde les partenaires des survivants, leurs enfants, leurs petits-enfants, leur famille élargie et leur communauté. Les enfants qui ont subi des agressions dans les pensionnats ont parfois fait subir la même chose à d’autres personnes. Des élèves ont développé des dépendances pour fuir la réalité. Des élèves qui ont été traités et punis comme des prisonniers dans les pensionnats indiens ont parfois abouti dans de véritables prisons. La Commission reconnaît que toutes ces répercussions ne peuvent être attribuées uniquement aux pensionnats indiens. Cependant, elles sont clairement attribuables aux politiques autochtones du gouvernement fédéral au cours des 150 dernières années. (CVR, 2015, Ce que nous avons retenu, p. 103).
Bon nombre de ces politiques subsistent encore aujourd’hui dans la Loi sur les Indiens.